Un séminaire régional de prévention en direction des saisonniers le 29 novembre à Marseille

La Mutualité Française PACA, acteur majeur de santé publique, travaille depuis maintenant plus de 3 ans sur la santé des saisonniers dans les Hautes-Alpes par l’intermédiaire de la délégation départementale et de son service prévention et promotion de la santé.

Forts de cette expérience, et grâce au soutien financier du Conseil Régional, LA Mutualité Française PACA a établi un état des lieux régional des actions et acteurs œuvrant pour la santé des saisonniers.

Une présentation en sera faite lors d’un séminaire animé par Jean HORGUE-DEBAT, Directeur de l’ADRETS (association pour le développement en réseau des territoires et des services), qui aura lieu le mardi 29 novembre au centre le Mistral à Marseille dont l’objet est de valoriser des actions, de proposer des pistes de réflexion pour la suite , et de créer une dynamique de réseau régional axé sur la santé des saisonniers en PACA.

Au niveau national, divers structures ou collectifs de partenaires ont mis en place des maisons des saisonniers pour répondre de façon spécifique aux besoins particuliers des travailleurs saisonniers, principalement sur des lieux touristiques.
En France, on dénombre 26 maisons des saisonniers en montagne ou sur les littoraux (atlantique et du Languedoc Roussillon). Seules deux structures existent en région PACA et uniquement en montagne (Barcelonnette et Briançon,).
Or, la région PACA est citée comme une des principales régions qui accueillent des travailleurs saisonniers tant dans le secteur du tourisme (montagne et littoral) que dans l’agriculture (notamment vendanges et cueillette).

Il est difficile d’annoncer des chiffres qui restent toujours très approximatifs et sont obtenus par croisement de données venant du pôle emploi, l’URSSAF ou la médecine du travail,…
Dans son rapport gouvernemental « Propositions pour l’amélioration de la situation sociale et professionnelle des travailleurs saisonniers du tourisme », Anicet LE PORS avance le nombre de 420 000 personnes en 1997 dans le seul secteur du tourisme. Parallèlement, l’ANEFA cite 937 901 travailleurs saisonniers dans le secteur agricole en 2003.
La confédération paysanne estime que le nombre des saisonniers agricoles a doublé entre 1998 et 2004 et souligne que parmi eux, il y aurait 13 238 travailleurs sous contrat OMI issus de l’immigration avec une majorité de personnes originaires du Maroc et de Pologne. Ces chiffres ne tiennent pas compte des autres secteurs : agroalimentaire, industrie, commercial ou tertiaire.
 
De plus en plus, ces deux secteurs du tourisme et de l’agriculture touchaient des publics distincts. Or, depuis peu, on retrouve des travailleurs qui alternent des postes de travail dans le tourisme et dans l’agriculture au cours de l’année.
En montagne, nous rencontrons aussi des saisonniers qui alternent les saisons touristiques en hiver et les entreprises de travaux publics en été (GEIQ).

Nous retrouvons un certain nombre d’études sur les conditions de vie et la santé des saisonniers en montagne qui ont été réalisées en région Rhône Alpes et Hautes Alpes.

Nous pouvons extrapoler certaines données en ce qui concerne les saisonniers du tourisme d’été sur le littoral. Toutefois, la période concernée constitue un facteur déterminant sur le profil du saisonnier d’été qui sera souvent étudiant avec des particularités et comportements spécifiques.

Par contre, nous n’avons quasi aucune donnée sur les ouvriers agricoles.  C’est par le biais de notre réseau régional et notamment des Bouches du Rhône que nous pouvons citer :

– de longues plages horaires et intensités de travail hebdomadaire demandées
– une forte pénibilité physique du travail (chaleur et contraintes musculo squelettiques)
– des conditions d’hébergement difficiles (vie communautaire imposée, parfois insalubrité)
– manque de valorisation des salaires et de reconnaissance du travail
– isolement par rapport à la famille (il est notamment constaté une importance fréquence de pratiques à hauts risques sexuels)
– un accès à la santé (suivi médical et accès aux droits) rendus difficiles par manque de disponibilité pour faire les démarches et par méconnaissance des droits et de la langue.

L’ORS Rhône Alpes, dans son rapport « Santé et conditions de vie des travailleurs saisonniers en Rhône Alpes » (sept 09) cite :

« …totale mise à disposition de soi et déni de la santé : le corps doit brusquement répondre à la charge physique et mentale de l’emploi ; mais les risques du travail sont minimisés et la santé est mise à distance, entre parenthèse, en espérant pouvoir tenir jusqu’à la fin de la saison »

Les problèmes majeurs qui sont cités sont (par ordre d’importance) :

– Logement et conditions de travail
– Fatigue, stress, surmenage, manque de sommeil et troubles alimentaires
– Troubles musculo squelettiques, accidents de travail, exposition aux produits toxiques (agriculture) et infections ORL
– Qualité de vie affective et familial, stigmatisation, troubles de l’humeur, consommations et dépendance aux produits pour tenir le rythme et prises de risque sexuel (plutôt liées aux consommations de produits)
– Faible suivi médical et d’accès aux droits (pour des raisons administratives, financières ou pratiques)

Dans ce même rapport, une distinction de profils de saisonniers est proposée selon que les travailleurs sont qualifiés ou non ou qu’ils soient « du coin » ou pas :

– intérimaires qualifiés
– enracinés qualifiés
– enracinés peu qualifiés
– vagabonds
– nomades par choix

Chaque profil ayant des difficultés et besoins spécifiques.

En conclusion, l’étude insiste sur l’importance d’agir parallèlement sur la santé et les conditions de vie et de travail car ces deux domaines sont liés de façon intrinsèque. Elle souligne également l’intérêt du travail en réseau (du local au régional).

Dans un numéro spécial de la Région Rhône Alpes «: la santé des saisonniers, une question de santé publique ? »  (nov 2008), le médecin du travail – le Dr Amandet souligne les points suivants :

– Généralement jeunes, les saisonniers sont attirés par les prises de risques
– Rythme et horaires de travail constituent le deuxième facteur de ces comportements à risque (il y a une demande d’adaptation permanente à l’organisme)
– Difficulté de gérer l’alternance des moments « forts » de la saison et des « creux » professionnels voire affectifs. Bercés par le stress/vide, la tentation des drogues est importante. La drogue leur permet de tenir le coup en saison et de combler le manque hors saison.
– Facteurs sociaux récurrents : logement, formation et précarité
  « on préfère louer à des touristes qu’à des saisonniers car c’est plus rentable»
  «on préfère embaucher des novices qui effectueront les tâches les plus ingrates pour un salaire moindre » = difficulté de professionnalisation
– La majorité du public saisonnier subit ce statut. Ceux qui correspondent à l’image du festif, sportif et qui voyage sont très minoritaires (ils sont, dès le départ, issus d’un tissu social plus stable)

E Barbenchon et J.Letang (université de Savoie/ORS Rhône Alpes) constatent dans leur rapport d’enquête « consommation de produits psychoactifs en station » (avril 2009) :

 50% des questionnés vivent dans un espace inférieur ou égal à 12.5 m2
18.6% n’ont pas de mutuelle
 8.5% ne sont pas du tout couverts
 57.5 % consommateurs tabac occasionnels ou réguliers (facteurs déterminants : l’âge, nbre d’heures de sommeil saison vs hors saison)
 89% conso d’alcool  (70% ivresse au cours du dernier mois)
 36.5% consommateurs actuels cannabis (18% déclarent + de 3x/semaine). La consommation de cannabis diminue hors saison. En comparaison avec la population générale : il y a 3.3 fois plus de femmes expérimentatrices, 2.2 fois plus d’hommes expérimentateurs et plus de consommateurs réguliers (2.7 fois plus chez les 18-24 et 6 fois plus chez les 25-44).
17.2% consommateurs actuels de cocaïne (12.5% mensuels, hommes ++)
En comparaison avec la population générale : il y a nettement plus de  consommateurs (17.2% vs 0.6%).

Les facteurs déterminants identifiés sont :

– Logement : lié négativement avec conso tabac, cannabis, cocaïne, kétamine et hallucinogènes
– Entourage social : lié positivement avec la consommation d’alcool
– Motivation à la consommation :
– Tabac : motivation sociale (25.4%), dépendance (24.4%), plaisir (20.2%), stratégie pour faire face (15.3)
– Alcool : motivation sociale (34.4%), plaisir (20.7%), « défonce » (12.6%), stratégie « faire face » (10.9%)
– Cannabis : motivation sociale (20.9%), plaisir (17.3%), stratégie « faire face» (15.4%), automédication (12.4%)
– Cocaïne : motivation sociale (31.5%), stimulation (21.9%), plaisir (15%).

La DRTEFP PACA a réalisé une étude sur les départements 05 et 06 :  « Les métiers saisonniers ou précaires liés à l’hôtellerie-restauration et au tourisme dans les Hautes Alpes et les Alpes maritimes » en avril 2004. Il en ressort :

 Saisonnalité subie et liée à un choix de rester au pays même si on manque de qualification
 La saisonnalité est un pis aller. Il constitue un accès à l’emploi pour les 21-30 ans de faible qualification et d’origine locale.

Les conditions de travail :
 Travail le soir/WE, horaires hebdomadaires longs, …créent un problème d’intensité de travail et de fatigue liée aux horaires
 Le lien à la clientèle représente une importante source de tension
 Bruit et chaleur sont des contraintes souvent citées
 Faibles salaires
 Déficit d’image (le saisonnier = le jeune qui vient s’amuser)

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