Le Président de la République veut procéder à un certain nombre de réformes dans le champ de la santé. Au lendemain de l’annonce de la feuille de route de la ministre de la santé Agnès Buzyn et du discours de politique générale du Premier Ministre Edouard Philippe, la Mutualité Française souhaite médiatiser son point de vue au sujet de ces projets de réforme.
Le mouvement mutualiste souhaite que les différentes réformes soient faites sans précipitation. Nous sommes demandeurs d’une méthode qui associe toutes les parties prenantes, assurance maladie obligatoire, mutuelles et autres assureurs complémentaires, professionnels de santé et usagers aux différents sujets.
Reste à charge zéro
La Mutualité Française partage l’objectif fixé par le gouvernement de tendre vers un reste à charge zéro pour l’optique, les prothèses dentaires et les audioprothèses. Il permet de lutter contre les renoncements aux soins. Les mutuelles œuvrent au quotidien pour réduire le reste à charge des adhérents et faciliter l’accès aux soins.
Au-delà de la formule de « reste à charge zéro », il s’agit dorénavant de réunir autour de la table tous les acteurs (pouvoirs publics, professionnels de santé, assurance maladie, mutuelles, patients…), afin de voir ensemble comment concrètement cet objectif peut être atteint. Rien que sur les dépenses optiques, dentaires et audio, le reste à charge, après remboursements de la Sécurité sociale et des mutuelles, s’élève à 4,4 milliards d’euros.
Plusieurs questions se posent :
- Quels soins sont concernés par cet objectif de reste à charge zéro ? Par exemple, une paire de lunettes est un dispositif médical et parfois aussi un accessoire de mode. Sans doute faudra-t-il déterminer ce qui relève réellement des dépenses de santé.
- Quelle population sera ciblée ? A titre d’exemple faut-il que les enfants soient les premiers concernés par cet objectif de reste à charge zéro, une bonne vue étant un facteur de réussite scolaire évident ?
Une fois ces questions résolues, trois leviers d’intervention sont possibles :
- Une action sur les tarifs des lunettes, des prothèses dentaires et auditives
- De meilleurs remboursements par la Sécurité sociale.
- Une amélioration de la prise en charge par les mutuelles.
A eux seuls, de meilleurs remboursements sont insuffisants, le risque étant que les prix des lunettes ou des prothèses s’adaptent progressivement à la prise en charge la plus élevée. Au risque, dans ce schéma, que les Français ne voient jamais leurs restes à charge diminuer.
C’est pourquoi il faut également agir sur le prix des équipements. Plus l’effort sur les prix sera important, plus cette réforme sera neutre pour les assurés et leurs cotisations.
Afin d’y parvenir, les mutuelles doivent pouvoir discuter avec les professionnels de santé afin de fixer avec eux le juste prix pour un équipement adapté et atteindre ce reste à charge zéro, sans rogner sur la qualité. Elles le font déjà avec les opticiens et les audioprothésistes, via les accords entre mutuelles et professionnels de santé, ce que l’on appelle « réseaux de soins ». Cela permet de réduire la facture de 30% sur les lunettes pour les assurés, par exemple. Ces accords devraient être confortés et renforcés.
Cet objectif de « reste à charge zéro » est possible par la discussion, sans entraver l’innovation dans les techniques et les pratiques des professionnels. Ce n’est qu’en travaillant ensemble que les acteurs du monde de la santé seront en mesure de répondre à la proposition gouvernementale.
A propos des contrats type…
Le chef de l’Etat souhaite également les organismes complémentaires santé mettent en place trois contrats santé type pour permettre aux usagers de comparer plus facilement les prix. Si la Mutualité Française comprend les objectifs de tels contrats, elle restera néanmoins vigilante pour que cela ne devienne pas une couche réglementaire et administrative trop lourde, car cette activité est déjà largement réglementée.
Pour la Mutualité derrière cette mesure, il y a trois choses: les garanties apparaissent difficilement lisibles pour les Français; ensuite, elles sont difficilement comparables ; enfin, il est difficile de choisir celles dont on a besoin et d’apprécier le tarif proposé. Pour la Mutualité l’idée est de permettre une comparaison tarifaire facilitée des différentes offres.
Toutefois, la Mutualité déplore que la complexité ou de la non-lisibilité des garanties soient exclusivement reprochées aux complémentaires. Les Mutuelles sont des organismes complémentaires et elles interviennent par conséquent en complément de la Sécurité sociale. Pour exprimer leurs garanties, elles sont obligées de se référer à la nomenclature tarifaire de la Sécu. Or cette nomenclature qui comprend des milliers de références est incompréhensible pour le grand public.
Et par conséquent la simplification et la lisibilité des contrats ne pourront se faire que si cette nomenclature est elle-même simplifiée ou rendue plus lisible par le grand public. Sans compter qu’avec la liberté tarifaire des professionnels de santé, un remboursement à hauteur d’un certain pourcentage du tarif de la Sécu ne renseigne pas sur le montant du reste à charge. Là encore, les mutuelles, seules, ne peuvent rien y faire. La Mutualité souhaite donc pouvoir travailler en commun avec l’assurance maladie obligatoire et les professionnels de santé.
Les déserts médicaux
Pour lutter contre les déserts médicaux, Emmanuel Macron veut doubler le nombre de maisons de santé. La Mutualité partage depuis longtemps l’idée de conforter l’offre de soins de premier recours. C’est un enjeu majeur pour les territoires et aussi pour éviter un engorgement des urgences.
Il faut soutenir les professionnels de santé à développer une pratique plus collective et pluridisciplinaire de la médecine. Nos centres de santé mutualistes – plus de 60 sur le territoire, 30 centres de soins médicaux et infirmiers en paca et 12 dans les Bouches-du-Rhône- sont dans une réponse à cette problématique. Ils fonctionnent avec des professionnels de santé salariés, quand les maisons de santé pluridisciplinaires font appel à des médecins libéraux.
Aujourd’hui, pour développer davantage ce genre de structure, nous avons besoin d’un accompagnement financier complémentaire. La Mutualité Française avait rencontré l’ancienne ministre de la Santé Marisol Touraine qui était favorable. Les Centres de santé sont des dispositifs qui permettent aux professionnels de santé de faire leur métier de soigneurs et les déchargent des tâches administratives de plus en plus lourdes. Des conditions financières plus attractives permettraient d’embaucher du personnel dédié. A notre échelle, les mutuelles peuvent participer à l’élaboration d’une solution plus globale au problème des déserts médicaux.
Suspension de la généralisation du Tiers-payant
Dans un entretien au Quotidien du médecin, la ministre de la Santé a déclaré que son objectif « serait d’éviter l’obligation de tiers payant généralisé. ». Agnès Buzyn dit vouloir éviter la surcharge administrative pour les professionnels de santé. Cet objectif est partagé par l’Assurance maladie et les complémentaires santé qui travaillent depuis deux ans, au sein de l’association Inter-AMC, au déploiement d’un dispositif simple, intuitif et sécurisé pour tous les acteurs. Cette solution est d’ores et déjà accessible aux 130 000 professionnels de santé, dont de nombreux médecins libéraux, qui pratiquent aujourd’hui le tiers-payant.
Pour mémo, le tiers-payant sur la part complémentaire est déjà facultatif. Supprimer l’obligation sur la part obligatoire (celle de l’Assurance maladie), c’est retarder encore la possibilité pour les assurés sociaux de bénéficier de ce droit et ainsi renoncer à améliorer concrètement et rapidement l’accès aux soins.