Quand l’accès à la complémentaire santé devient un véritable casse-tête !

Aujourd’hui pour se soigner en France, une complémentaire santé est indispensable. C’est un fait. Là où ça se complique, c’est pour obtenir cette couverture santé. Il n’existe aujourd’hui pas moins de 8 dispositifs : ACS, CMU-C, contrats individuels, contrats collectifs, sortie de contrats collectifs, contrats Madelin (avantages fiscaux pour les couvertures santé et prévoyance des travailleurs non salariés), labellisation et référencement (accords de branches)… Lors de sa présentation du Projet de Loi de Finances de la Sécurité Sociale (PLFSS 2016), le gouvernement a annoncé qu’il souhaiterait ajouter 2 autres dispositifs au mille-feuille existant : un chèque santé pour les travailleurs précaires (non éligibles à la généralisation de la complémentaire santé en entreprises) et un appel d’offre pour les contrats de santé seniors. Sans compter, une évolution de la loi Evin envisageant un prolongement plus important de la couverture santé des personnes lors de leur départ à la retraite.

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3 questions à Jean-Paul Benoit, Président de la Mutualité Française Paca…

@mutpaca : Que pensez de toutes ces mesures, favorisent-elles réellement l’accès à la santé de tous ?

Jean-Paul Benoit : C’est une complète aberration, cela ne produit que plus d’injustice sociale ! Cela crée non seulement des segmentations au niveau de la population : jeunes, salariés, retraités… mais les nouvelles mesures, si elles sont mises en place généreront de nouvelles segmentations au sein même de ces populations. Si le PLFSS 2016 est voté en l’état, les nouveaux retraités seront traités différemment des plus anciens…. On est loin de la promesse de généralisation de la complémentaire santé pour tous que François Hollande avait faite lors du Congrès de la Mutualité Française en 2012 !

@mutpaca : La Mutualité s’insurge aussi contre le projet d’appel d’offres pour les contrats santé des plus de 65 ans, pourquoi ?

Jean-Paul Benoit : Nous avons l’expérience de l’appel d’offre dans le cadre de l’ACS. Quelles que soient les bonnes intentions initiales, la procédure elle-même favorise une polarisation exclusive sur les prix au détriment, laissant de côté la qualité des réponses apportées. De plus, la limitation drastique des possibilités prive les bénéficiaires de toute liberté de choix de leur mutuelle comme de leur couverture. Est-ce parce qu’on est en difficulté économique ou retraité qu’on doit être traité comme un incapable social, inapte à savoir ce qui est bon pour soi ou pour sa famille ?
La segmentation est une technique assurantielle antinomique de la mutualisation. Quand on casse les solidarités se sont toujours les plus âgés et les moins bien portants ou les plus en difficultés économiques qui finissent par en faire les frais. Lors de son audition auprès de la commission des affaires sociales de l’assemblée nationale, la Ministre de la santé a insisté pour que le prix ne soit pas le seul élément de choix.. Sera-t-elle entendue ?  Nous le verrons rapidement…

@mutpaca : Que proposez-vous ?

Jean-Paul Benoit : Une remise à plat de tous les dispositifs. Au total ce sont des sommes considérables qui sont mobilisées pour financer tous ces dispositifs hétéroclites. Pourtant sans ajouter un euro, ces moyens suffiraient à financer à la fois la suppression de toutes les taxes (-15% sur toutes les cotisations) et un dispositif unique d’aide personnelle à la santé sur le modèle de l’APL qui garantirait vraiment l’accès de tous à une mutuelle. Elle pourrait prendre la forme d’un crédit d’impôt.
Depuis l’annonce du PLFSS 2016 et la mobilisation de tous les acteurs contre cette mesure, il semblerait que le gouvernement ait entendu nos grief, puisque la Ministre de la santé a commandé au directeur de l’IGAS un rapport our évaluer l’efficacité de ces différentes mesures. Nous verrons bien ce qu’il en ressortira

Accès à la complémentaire santé : tous égaux ?

Aujourd’hui, au travers des contrats collectifs d’entreprise, les salariés et leur famille bénéficient d’aides fiscales et sociales. Ce n’est pas le cas des chômeurs de longue durée, des jeunes, des précaires et des retraités.

Pour les retraités anciennement salariés, la perte du co-financement de leurs cotisations par leur employeur et des aides fiscales et sociales* dont bénéficient les contrats collectifs d’entreprise, peut générer la multiplication par 3,5 du coût de leur contrat santé pour des garanties comparables.

Quant à la couverture santé d’une personne en situation de chômage de longue durée, à garanties égales, le coût est en moyenne 2,4 fois supérieures à celui d’un salarié.

*La fiscalité des contrats santé est passée de 3,5% en 2008 à 15% depuis 2014.