Depuis la Loi Hamon de 2014, l’Economie Sociale et Solidaire (ESS) a subi de nombreuses évolutions et restructurations diverses. Jean-Paul Benoit, Président et Denis Philippe, Vice-président délégué à l’économie sociale et solidaire de la Mutualité Française Sud ont convié Jérôme Saddier, le tout nouveau Président d’ESS France à venir présenter aux délégué.e.s mutualistes les futures réorganisations des instances nationales de l’ESS et le projet politique de la Chambre Française de l’Economie Sociale et Solidaire (ESS France).
ESS : des constats partagés
En préambule, Jean-Paul Benoit, également membre de la Chambre Française de l’économie sociale et solidaire, revient sur les récentes évolutions des instances nationales de représentation de l’ESS. Aujourd’hui, trois grandes structures chapeautent les familles de l’Economie Sociale et solidaire : La Chambre Française de l’ESS (ESS France), le Conseil national des Chambres Régionales de l’ESS (CNCRESS), Union des employeurs de l’ESS (Udes). Le CNCRESS s’est engagé à fusionner dans la Chambre Française de l’ESS courant 2020. L’Udes quant à elle y sera représentée mais devra rester une entité à part entière pour des questions d’éligibilité et de représentativité syndicale.
Denis Philippe resitue le contexte régional l’ESS et l’implication de la Mutualité Française Sud, notamment au sein de la Chambre régionale des entreprises de l’ESS (CRESS PACA) qu’il préside depuis 2015.
Pour commencer, Jérôme Saddier constate que l’Ess «n’a jamais autant été en phase avec les aspirations de la société». Que cela soit dans la prise en compte de l’organisation du travail, de la recherche de sens et d’utilité sociale. Pour autant, il déplore que les acteurs de l’ESS, « ne soient pas en capacité de saisir ces orientations, de présenter les initiatives qui soient dignes d’intérêt et de les dupliquer. »
Il cite l’exemple des mutuelles : elles ont inventé leurs activités, ont innové or ces innovations sont tombées dans le domaine commun et elles n’arrivent pas à en revendiquer la paternité, à le faire savoir… De la même manière, la solidarité entre les entreprises de l’ESS dans le choix de prestataires ESS pour répondre aux appels d’offre n’est pas satisfaisante….
Le projet d'ESS France
A partir de ces paradoxes : ESS France a bâti un projet politique simple adopté en début d’année . Il s’articule en 10 points, Jérôme Saddier en détaille certains pour les délégué.e.s mutualistes.
Pour lui, l’ESS doit être considérée comme la norme, et non plus comme « une alternative sympathique ». Elle ne doit plus être résumée à un simple pourcentage de l’Economie ou du PIB…
Actuellement l’ESS est reconnue comme performante, comme un mode d’organisation responsable et respectueux des ressources dont elle dispose et qui s’inscrit dans la proximité. « A l’heure de la RSE, nous sommes à l’avant garde et inversement c’est aux autres, « l’Economie fossilisée », de faire la démonstration de leur performance, de leur utilité sociale… »
Le Président d’ESS France aborde la faiblesse de l’influence de l’ESS. « Nos modes d’entreprendre sont très bien vus mais n’ont pas d’influence. Or on ne peut pas compter que sur un contexte favorable, comme pour la loi ESS 2014 qui a mis un éclairage particulier sur notre secteur d’activité mais qui n’est pas de notre fait». A l’avenir les entreprises de l’ESS devront s’organiser pour peser sur les décisions publiques. Il cite en exemple le pacte de croissance qui met à mal le modèle coopératif ; pacte à la construction duquel les acteurs de l’ESS n’ont pas été associés…
Il questionne les délégué.e.s mutualistes sur leur force collective pour mobiliser leur réseau ? Le Président d’ESS France constate un repli sur soi des mouvements fédératifs de l’ESS. «Il existera toujours des grands groupes mais ce sont les fédérations qui s’engagent, sur lesquelles on peut s’appuyer. C’est pour cela qu’il faut y consacrer des moyens. »
Le projet d’ESS France envisage également de favoriser les éléments de cohésion entre acteurs de l’ESS : « il est difficile de défendre un modèle qui repose sur le collectif lorsqu’on ne travaille pas ensemble. Cela relève d’une erreur stratégique fondamentale ! » Il invite les mutuelles à choisir leurs fournisseurs dans l’ESS, à mettre en cohérence leurs valeurs et leurs actes. « En la matière, nous avons un grand enjeu d’exemplarité ».
Les entreprises de l’ESS disposent d’atouts incontestables : l’ESS se définit par sa capacité à innover et en proximité. Elle doit encore innover aujourd’hui et au plus près des besoins des territoires. Les acteurs de l’ESS ont une obligation à être innovants et « à ne pas laisser ça aux seuls GAFA ou Start’up. Dans le domaine des données de santé par exemple, l’ESS est certainement l’alternative, le rempart aux GAFA !»
Un autre atout des entreprises de l’ESS est leur forme d’organisation : elles socialisent le risque, le capital. Le social ne se résume pas qu’aux seuls rapports humains… Il rappelle que la prédominance de l’entreprise capitaliste est récente puisqu’elle date des années 80. Il est encore temps de renverser les choses pour faire de l’ESS la norme. Mais pour cela il ne faut pas se replier sur soi.
L’autre risque est la banalisation. Les pouvoirs publics ont complètement banalisé le projet de dépendance en intégrant, de facto, les mutuelles comme complémentaires des pouvoirs publics. « Or l’ADN mutualiste n’est pas d’être complémentaire. Fondamentalement si les Mutuelles existent c’est parce qu’elles ont inventé leurs activités en dehors des pouvoirs publics… Nous devons nous remettre dans la peau de ceux qui inventent, qui innovent. »
Les entreprises de l’ESS doivent également acquérir leur indépendance avec tout refus d’instrumentalisation des gouvernements quels qu’ils soient. «Nos entreprises ne peuvent plus dépendre de l’Etat pour fonctionner. Il y a un paradoxe à affirmer ce nous représentons tant en termes de poids économique, d’emplois et en même temps demander des subventions pour fonctionner. Cela est incompatible avec l’indépendance que nous souhaitons. »
Jerôme Saddier conclut son intervention en affirmant : « Je veux que nous soyons plus performants que les autres, que nous arrêtions de nous appliquer les normes des autres pour mesurer nos performances. Ne sommes-nous pas capables de proposer nos propres mesures de performance, de démontrer notre différence ?»
Le 17 mai, Christophe Itier, le Haut-commissaire à l’ESS doit faire des annonces qui risquent de mélanger encore plus les entreprises ESS et non ESS. Pour Jérôme Saddier, cela est une erreur, qui risque de banaliser encore plus les entreprises de l’ESS ! En effet, le risque est d’avoir des entreprises qui se déclarent socialement utiles car elles iront au-delà de certaines obligations légales nationales mais qui n’en seront pas pour autant exemplaires au plan international….
ESS en France : qui fait quoi ?
Au travers de ces 4 infographies, apprenez à distinguer les différentes instances de représentation de l’Economie sociale et solidaire en France. Les missions de la Chambre Française de l’économie sociale et solidaire – ESS FRANCE
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Les missions et les chiffres clés du Conseil national des chambres régionales de l’économie sociale et solidaire – CNCRESS
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Les missions et les chiffres clés de l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire – UDES
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Les missions et les métiers de la Chambre régionale de l’Economie sociale et solidaire – CRESS PACA