Retrouvez l’interview de Phillippe Perrin, Conférencier formateur, Directeur de l’Institut de Formation en Santé Environnementale qui interviendra lors de la conférence « Environnement aujourd’hui, Santé demain » le 22 novembre à Marseille.
Conférencier formateur, Directeur de l’Institut de Formation en Santé Environnementale, Philippe PERRIN a de nombreuses casquettes dont celle assez singulière d’éco-infirmier spécialisé sur les liens entre « pollutions et santé ». Celui qui se définit comme une espèce en voie d’apparition sillonne la France pour sensibiliser les professionnels de santé, élèves et grand public aux questions de santé environnementale. Il organise aussi des cycles de formations continues pour les professionnels de santé sur le thème « santé environnementale et pratique de soins ».
@mutpaca : Eco-infirmier, qu’est-ce que ce métier en « voie d’apparition » ?
Philippe Perrin : éco-infirmier est plutôt un volet de l’exercice infirmier qui consiste à faire de la prévention primaire pour promouvoir la santé afin de mieux en maîtriser tous les tenants. Je ne considère pas cela comme étant une spécialité car le champ de la santé environnement concerne tous les soignants et devrait être intégré dans leur parcours de formation initiale et dans la pratique de leur exercice au quotidien. Cette notion de transversalité s’oppose à la notion même, plus restrictive de spécialité.
Aujourd’hui nous sommes une dizaine d’éco-infirmiers en France, et nous œuvrons pour permettre au personnel soignant, mais pas que, d’acquérir des connaissances en santé environnement qui leur permettent de démystifier tout ce que l’on peut lire ou entendre dans les médias ou sur Internet. Il y a une vraie urgence à répondre à cette demande émergente du grand public et d’être en capacité, en tant que soignant ou préventeur à leur donner de « vraies réponses ».
@mutpaca : Depuis le début des années 90 vous intervenez sur les questions de santé et d’environnement. Quelles sont les évolutions (mentalités, pratiques, comportements tant au niveau des professionnels de santé que du grand public) que vous avez pu constater ?
P.P : C’est un bouleversement sans précédent. En 92, je n’aurais jamais pensé que je pourrais exercer un jour à temps plein sur ces questions-là ! La révolution de la santé environnement est arrivée dans les années 90 mais depuis 3 ou 4 ans les professionnels de santé commencent à bouger et principalement tous ceux qui sont en lien avec la petite enfance : les sages-femmes par exemple. Lorsque vous êtes soignant et que vous observez une explosion des pathologies respiratoires et des allergies chez les jeunes enfants qui ne s’expliquent ni par l’hérédité ou ni par d’autres origines médicales, la simple déduction fait que vous tourniez vers les questions environnementales…
Ces dernières années j’observe aussi une évolution de la société : l’abaissement de l’âge d’entrée en pathologie a suscité chez le grand public une curiosité pour les questions de santé environnement. C’est le cas pour l’épidémie de cancer du sein chez les femmes de 30-40 ans alors qu’il est en baisse depuis 10 ans chez les femmes de plus de 60 ans. Les causes ne sont pas liées à l’âge, ni à la génétique donc…
@mutpaca : Certaines personnes demeurent sceptiques sur les impacts de l’environnement sur notre santé en arguant que l’espérance de vie s’est nettement améliorée depuis ces 50 dernières années. Qu’auriez-vous envie de leur dire ?
P.P : Il n’y a pas plus sceptique que celui qui ne veut pas voir ! C’est un mécanisme de résistance, car souvent ces personnes n’ont pas envie de se poser de questions !
Or pour chaque année d’espérance de vie à la naissance gagnée, on perd une année en bonne santé. La qualité de vie s’en ressent. Il est vrai que l’espérance de vie s’est améliorée mais attardons-nous un instant sur le mode de calcul de l’espérance de vie en France : elle indique l’âge moyen de décès des personnes. Or pour chaque année d’espérance de vie à la naissance gagnée, on perd une année et demie de vie sans incapacité. La qualité de vie s’en ressent. Il est vrai que l’espérance de vie s’est améliorée mais attardons-nous un instant sur le mode de calcul de l’espérance de vie en France : elle indique l’âge moyen de décès des personnes. Or ces générations-là n’ont pas été exposées à toutes les sources de pollutions comme celles que nous connaissons aujourd’hui ! L’espérance de vie s’est nettement améliorée depuis le milieu du 18ième siècle, c’est un fait mais cela s’est essentiellement construit sur l’effondrement de la mortalité infantile.
Il y a aussi un autre facteur à prendre en compte qui est l’épigénétique, provoqué en partie par les perturbateurs endocriniens : ils inscrivent une empreinte dans les génomes qui peuvent parfois se transmettre sur plusieurs générations. Cela suppose que même en supprimant toutes les causes environnementales ayant un impact sur la santé, il en restera des traces sur 2 voire 3 générations ! Il est grand temps d’agir.