Explications de Jean-Paul Benoit, président de la Mutualité Française Paca et Vice Président de la fédération nationale.
@mutpaca : Le bureau de la Mutualité Française a décidé à l’unanimité de ne pas s’inscrire dans le dispositif des contrats pour les personnes de plus de 65 ans. La Mutualité dénonce les exclusions de la complémentaire santé notamment des seniors, n’est-ce pas paradoxal ?
Jean-Paul Benoit : Il y a un vrai problème d’accès à la complémentaire santé et donc aux soins, notamment pour les personnes exclues des aides aux complémentaires de groupe. Or ce sont les catégories qui sont le plus touchées par la précarité : jeunes, chômeurs, précaires et retraités. Avec le déploiement des contrats de groupes nous touchons concrètement ce que nous dénoncions depuis 2013 avec la signature de l’ANI : l’obligation d’une complémentaire d’entreprise n’aboutit pas à la généralisation de la couverture à l’ensemble de la population ! Au contraire, elle contribue à scinder les modes d’accès, à rompre les solidarités et à multiplier les exclusions. En concentrant les aides publiques sur les seuls actifs du privé (salariés et libéraux) on rate la cible principale : les personnes les plus en difficultés économiques…
@mutpaca Les retraités sont une part importante des personnes dont vous dénoncez l’exclusion, alors pourquoi refuser la solution proposée par le gouvernement ?
Jean-Paul Benoit : Créer une 9ème modalité d’accès à la complémentaire, c’est accroître la segmentation qui génère en grande partie le problème. Si au moins le dispositif apportait une réelle solution pour les personnes concernées, on pourrait considérer avantages et inconvénients. Or ce n’est pas le cas !
Les 3 paniers de soins imposés méconnaissent la réalité et les besoins spécifiques des seniors et les mutuelles n’auront aucune marge de manœuvre pour les adapter en fonction de leurs attentes. Je n’illustrerai que par l’exemple cité par le communiqué de la FNMF, les garanties imposées devront couvrir l’orthodontie dont les seniors n’ont que faire mais pas l’implantologie dont ils ont besoin. C’est un modèle de l’absurdité administrative à laquelle on aboutit lorsque les pouvoirs publics veulent se substituer aux acteurs en règlementant jusqu’au dernier bouton de guêtre. Cette prétention n’est même pas accompagnée d’une réelle aide financière : on touche là au mépris des populations concernées. Dans son immense générosité le gouvernement propose une baisse de 1% des taxes des contrats santé, soit une aide mensuelle oscillant de 0,40 à 1,30 €. C’est dérisoire comparé aux centaines d’euros d’aides publiques annuelles pour chaque bénéficiaire dans le cas des contrats groupes pour les salariés du privés ou des contrats « Madelin » des professions libérales, sans compter le triplement du coût de la complémentaire pour les personnes sortant d’un contrat groupe…
@mutpaca Vous dites que le problème est réel et que la solution proposée ne résoudra rien. Alors que proposez-vous sachant que la situation économique ne permet pas à l’Etat de dépenser sans compter ?
Jean-Paul Benoit : C’est dans la situation actuelle que les fonds publics sont dilapidés. Les dispositifs d’aide à la complémentaire coûtent au total près 10 milliards d’euros à l’état et à l’Assurance Maladie et sont pour la plupart inefficaces. Hors, le dispositif CMU/ACS, qui permet de couvrir plus de 5 millions de personnes, coûte à peine plus de 2 milliards. Il reste environ encore 4 millions de personnes à protéger, toutes catégories de population confondues. Il est donc clair qu’un dispositif efficient permettrait de résoudre la totalité du problème pour moins de la moitié des sommes actuellement mobilisées. Il est possible de répondre à la totalité des besoins en dépensant moins, sans discrimination entre les différentes catégories de population. Le dispositif pourrait prendre la forme d’une aide en fonction des ressources, sur le modèle des allocations logement, et de la suppression des 15% de taxes pour tous les contrats santé..